Réponses Ministérielles
Vie administrative et sociale
Le Gouvernement a été interrogé sur la représentation des collectivités devant la justice administrative.
En effet, afin d’assurer aux justiciables le concours d’un mandataire qualifié veillant à leurs intérêts et de permettre à la juridiction d’avoir un interlocuteur privilégié, les dispositions du code de justice administrative (CJA) consacrent le principe du recours obligatoire au ministère d’avocat, tout en prévoyant des exceptions tenant à la qualité d’une partie ou à la nature de certaines catégories de litiges.
L’État est toujours dispensé de l’obligation du ministère d’avocat, que ce soit devant les tribunaux administratifs (article R. 431-7 du CJA), devant les cours administratives d’appel (article R. 811-10 du CJA) ou devant le Conseil d’État (article R. 432-4 du CJA). Cette règle s’applique que l’État soit en demande, en défense, ou en intervention.
Cette dispense s’explique en raison tant de sa position de défendeur dans les instances où il est mis en cause que du fait qu’il dispose de services juridiques spécialisés. L’État se trouve dans une situation différente de celle des autres justiciables (CE, 21 décembre 2001, M. et Mme Hofmann, n° 222862).
Plusieurs raisons d’ordre juridique et pratique justifient l’absence de dispense du ministère d’avocat au bénéfice des collectivités territoriales.
Ces dernières, qui comprennent 12 régions, 101 départements et plus de 34 000 communes, connaissent une disparité en termes de services et de moyens. Elles ne sont ainsi pas toutes dotées de services juridiques spécialisés, à même de traiter des contentieux parfois très spécifiques et techniques. L’exigence d’une représentation par un mandataire professionnel leur offre des garanties de compétences, permettant ainsi d’assurer la qualité de la défense de leurs intérêts.
Toutefois, l’obligation du ministère d’avocat devant les juridictions administratives comporte un certain nombre de dérogations liées à la nature du litige. Ces exceptions sont applicables à l’ensemble des justiciables, et notamment aux collectivités territoriales.
Ainsi, devant le tribunal administratif, les dispositions de l’article R. 431- 2 du CJA prévoient que la représentation par un avocat est obligatoire lorsque les conclusions de la demande tendent au paiement d’une somme d’argent, à la décharge ou à la réduction de sommes dont le paiement est réclamé au requérant ou à la solution d’un litige né de l’exécution d’un contrat. Les exceptions à ce principe sont énumérées à l’article R. 431-3 du CJA, et notamment celle concernant les litiges dans lesquels le défendeur est une collectivité territoriale.
Par ailleurs, depuis le 1er janvier 2017, la dispense d’avocat est étendue à tous les contentieux sociaux. En revanche, les parties ne sont plus dispensées d’avocat ni en matière de travaux publics ni en matière de contrats relatifs au domaine public.
Devant la cour administrative d’appel, les dispositions de l’article R. 431-11 du même code posent le principe de l’obligation du ministère d’avocat pour l’ensemble des litiges, tout en excluant du champ de l’obligation du ministère d’avocat les recours pour excès de pouvoir et les demandes d’exécution d’un arrêt définitif.
S’agissant des recours portés devant le Conseil d’État, il résulte d’une lecture combinée des dispositions des articles R. 432-1 et R. 432-2 du CJA que le ministère d’avocat est obligatoire excepté, notamment, pour les recours pour excès de pouvoir contre les actes des diverses autorités administratives, les recours en appréciation de légalité, et les litiges en matière électorale.
En ce qui concerne les frais de procédure, l’obligation du ministère d’avocat pour les collectivités territoriales ne peut être interprétée comme ayant pour effet de les obliger à supporter les dépens ou les frais exposés et non compris dans les dépens.
En effet, l’article L. 761-1 du CJA prévoit que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties sont en droit de produire les justificatifs des sommes qu’elles demandent et le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.
Le Conseil d’État juge de manière constante que la représentation des personnes publiques par un mandataire suffit pour que soit reconnue l’existence de frais non compris dans les dépens (CE, 7 avril 1993, n° 132963, Commune de Saint-Ouen) dans les mêmes conditions que pour les personnes privées. Aux termes des dispositions de l’article R. 761-1 du même code, les dépens comprennent les frais d’expertise, d’enquête et de toute autre mesure d’instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l’État. Généralement, et sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante, sauf si les circonstances particulières de l’affaire justifient qu’ils soient mis à la charge d’une autre partie ou partagés entre les parties.
Par conséquent, l’obligation du ministère d’avocat n’a ni pour objet ni pour effet d’imposer aux collectivités de supporter les frais de procédure qui peuvent être, généralement, mis à la charge de la partie perdante ou lorsque la situation de cette dernière le justifie, dire qu’il n’y a pas lieu à la condamner au paiement des dépens et des frais non compris dans les dépens. Ces dispositions s’appliquent à l’ensemble des justiciables, y compris aux collectivités, qui peuvent donc être affranchies du paiement des frais de procédure.
Pour l’ensemble des raisons qui viennent d’être rappelées, le Gouvernement n’entend pas modifier le code de justice administrative afin de dispenser du ministère d’avocat les collectivités territoriales et leurs établissements publics pour les litiges portés devant l’ensemble des juridictions administratives.
En ce qui concerne les frais de procédure, l’obligation du ministère d’avocat pour les collectivités territoriales ne peut être interprétée comme ayant pour effet de les obliger à supporter les dépens ou les frais exposés et non compris dans les dépens.
Source :
Réponse de M. le ministre de la justice à la question n° 25484 (JO Sénat du 24 mars 2022)